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Congé pour invalidité temporaire imputable au service : des dispositions censurées par le Conseil constitutionnel

Public - Droit public général
16/06/2021
L’ordonnance du 25 novembre 2020, adoptée à la suite de la loi de transformation de la Fonction publique, avait prévu la possibilité pour les administrations d’obtenir la communication des données de santé des agents dans le cadre du congé pour invalidité temporaire imputable au service. Le Conseil constitutionnel, dans une décision du 11 juin 2021, déclare que ces dispositions portent une atteinte disproportionnée au respect de la vie privée, principe garanti par la Constitution.
Le Conseil constitutionnel a été saisi le 6 avril 2021 par le Conseil d’État d’une question prioritaire de constitutionnalité portant sur la conformité aux droits et libertés que la Constitution garantit du paragraphe VIII de l’article 21 bis du statut général de la Fonction publique (L. n° 83-634, 13 juill. 1983), dans sa rédaction issue de l’ordonnance n° 2020-1447 du 25 novembre 2020 portant diverses mesures en matière de santé et de famille dans la Fonction publique (voir Fonction publique : nouvelles dispositions en matière de santé et de famille)
 
Ces dispositions portent sur le congé pour invalidité temporaire imputable au service, accordé au fonctionnaire « lorsque son incapacité temporaire de travail est consécutive à un accident reconnu imputable au service, à un accident de trajet ou à une maladie contractée en service » (art. 21 bis, I).
 
L’Union nationale des syndicats autonomes de la Fonction publique contestait le paragraphe VIII, qui prévoyait « Nonobstant toutes dispositions contraires, peuvent être communiqués, sur leur demande, aux services administratifs placés auprès de l'autorité à laquelle appartient le pouvoir de décision et dont les agents sont tenus au secret professionnel, les seuls renseignements médicaux ou pièces médicales dont la production est indispensable pour l'examen des droits définis par le présent article ».
 
Ainsi, ces dispositions, selon les requérants, autoriseraient des services administratifs à se faire communiquer des données médicales, et méconnaîtraient ainsi le droit au respect de la vie privée ainsi que la protection des données à caractère personnel. Ils estimaient également que « le droit d'accès aux données médicales des agents publics institué par ces dispositions ne serait ni nécessaire ni justifié, dès lors que l'administration n'a pas besoin d'accéder à ces informations médicales pour se prononcer sur les demandes de congé pour invalidité temporaire imputable au service ».
 
Le Conseil constitutionnel rappelle que la liberté proclamée par l’article 2 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789 implique le respect au droit de la vie privée.
 
Les dispositions contestées sont contraires au secret médical, puisqu’elles prévoient le droit à la communication des données « nonobstant toutes dispositions contraires ». Le Conseil rappelle qu’il s’agit de données de nature médicale, qui peuvent être communiquées à des services administratifs, et à « un très grand nombre d’agents » sans habilitation spécifique, et dont les demandes ne sont soumises à aucun contrôle. De plus, ces données peuvent être obtenues auprès de « toute personne ou organisme ».
 
Le Conseil constitutionnel considère donc que ces dispositions portent une atteinte disproportionnée au respect de la vie privée, et déclare le paragraphe VIII contraire à la Constitution. Estimant qu’aucun motif ne justifiait le report de la prise d’effet de la déclaration d’inconstitutionnalité, le Conseil déclare que l’abrogation prend effet dès la publication de la décision.
 
Pour aller plus loin :
Sur le congé pour invalidité temporaire imputable au service, voir Le Lamy fonction publique territoriale n° 605-42.
Source : Actualités du droit