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Le rapport introductif à la réforme de la santé au travail

Social - Santé, sécurité et temps de travail
17/09/2018
Retour sur le rapport Lecocq-Dupuis-Forest sur la santé au travail remis à Edouard Philippe, le 28 août dernier. Celui-ci servira de canevas aux partenaires sociaux pour la future négociation sur le système de santé au travail.
Le 28 août 2018, le rapport « Santé au travail : vers un système simplifié pour une prévention renforcée » a été remis par Charlotte Lecocq, Bruno Dupuis et Henri Forest au Premier ministre. Le rapport envisage de fusionner les divers acteurs actuellement en charge de la prévention, du contrôle et de l’indemnisation de la santé au travail vers une nouvelle répartition des acteurs de la santé au travail au niveau national et régional. Les entreprises bénéficieraient alors d’un guichet unique à l’échelon régional. Les excédents de la branche accidents du travail-maladies professionnelles (AT-MP) permettraient de financer les actions de préventions.
 
Une simplification des acteurs en introduisant un guichet unique
 
Selon les auteurs du rapport, l’introduction d’un guichet unique permettrait de renforcer la lisibilité nationale de la politique actuelle de santé au travail entre, d’une part, les politiques de santé publique et, d’autre part, les politiques de prévention des risques professionnels menées par divers acteurs du secteur. Afin d’y pallier, les divers acteurs actuels seraient regroupés en deux catégories d’instances, d’une part, les nationales et, d’autre part, les régionales.
 
Sous tutelle du ministère du Travail, l’organisme national aurait pour principale mission de définir un plan de santé au travail. Les instances régionales seraient en charge d’accompagner les entreprises en leur apportant des réponses pratiques sur la mise en œuvre de leur système de prévention. L’ambition du rapport est : « d’assurer à toutes les entreprises sur chaque territoire, une offre de services certifiée, homogène, accessible et lisible ».
 
La CGT a déjà alerté sur cette volonté de regrouper les divers acteurs de la prévention, qui ne devrait pas aboutir à une fusion sans moyen. Le paritarisme conserve une place dans le rapport à travers la mise en œuvre de la politique de santé au travail.
 
 
Paritarisme et politique de santé au travail
 
Selon les recommandations du rapport, les syndicats bénéficient de moyens renforcés pour participer à la « conception, la mise en œuvre et au suivi des politiques publiques en matière de santé au travail ». Les sommes affectées au fonds national de la prévention des accidents du travail et des maladies professionnelles seraient également utilisées pour leur participation aux politiques de santé publique. Cette préconisation ne tient pas compte des heures de délégation dont les travailleurs syndiqués bénéficient pour pouvoir participer aux diverses politiques et négociations.
 
De plus, le rapport prêche pour une offre commune des organismes de protection sociale complémentaire. En effet, l’universalisation de l’assurance frais de santé (ANI du 11 janvier 2013.) a conduit les organismes de protection sociale à fournir une couverture élevée de solidarité obligatoire. La cotisation de 2 % des cotisations versées serait affectée à une offre de prévention globale en adéquation avec celles des autres acteurs de la santé au travail pour la prévention des risques professionnels. Le rapport mentionne qu’il faudrait redéfinir une offre globale de la prévention et définir les formateurs qui sont officiellement reconnus comme acteurs en charge de la prévention.
 
Un système de prévention financé à partir des excédents de la branche AT-MP
 
Selon le rapport à la commission des comptes de la Sécurité sociale, « en 2017, l’excédent de la branche AT-MP était évalué à 920 millions d’euros ». Les auteurs préconisent ainsi que ces excédents soient affectés à « un effort significatif aux actions en faveur de la prévention ».
Néanmoins, le rapport occulte le simple fait que la branche AT-MP s’inscrit dans un système global de protection sociale, qui nécessite certes d’en comprendre et maitriser les différentes branches pour mieux appréhender son financement. En la matière, « le régime général de sécurité sociale en 2017 a dégagé un résultat, toutes branches confondues, de -2,2 milliards d’euros » (Cour des comptes, “Certification des comptes 2017 du regime general de sécurité sociale, 28 mai 2018). En conséquence, ce rapport constitue une piste de réflexion que les partenaires sociaux auront à explorer si le gouvernement leur demande de participer à cette réforme, et d’entrer en négociation sur cette thématique et ce en vertu de l’article L1 du Code du travail.

par Déborah Attali, avocat associé au cabinet Eversheds Sutherland et Mélanie Atindéhou Laporte, principal associate
 
 
Source : Actualités du droit